- Introduction
- Définition de la facture électronique
- Où et comment l’e-facturation devient obligatoire
- L’obligation de l’e-facturation est une victoire sur toute la ligne
- Le rôle des éditeurs de logiciels dans la promotion de l’e-facturation
- Se préparer pour l’avenir, alors que les standards communs ne sont pas encore établis
- Les réglementations à venir permettront-elles plusieurs formats ?
- Une entreprise utilisant plusieurs logiciels de facturation peut-elle fonctionner via différents points d’accès Peppol ?
- Opportunités directes et à venir pour les entreprises éditrices de logiciels
- En résumé
- Regardez la session complète
Introduction
À mesure que l’obligation de la facture électronique B2B commence à se répandre dans toute l’Union européenne, ce sujet s’est vite imposé à l’agenda des entreprises éditrices de logiciels. Les nouvelles réglementations technologiques constituent une vraie opportunité pour les entreprises qui les implémentent. Cela étant dit, pour réussir à tirer parti de ces opportunités tout en satisfaisant les clients et en maintenant des marges bénéficiaires saines, il est nécessaire de bien maîtriser les bases et de rester informé au sujet des changements probables.
Le 7 mai 2024, nous avons organisé un webinaire au cours duquel deux experts en e-facturation ont partagé leurs connaissances et leurs visions pour aider les éditeurs de logiciels à relever ce défi.
Les intervenants
- Isabelle Desmeytere – ancienne directrice de iVAT, suite de logiciels et services de conformité à la TVA, et membre de plusieurs groupes de travail au sein de l’UE.
- Jurgen Soetaert – fondateur de Digicrowd et expert API chez Isabel Group.
Définition de la facture électronique
Isabelle clarifie d’emblée ce qu’est réellement la facture électronique et ce qu’elle n’est pas.
« Il y a dix ans, c’était normal pour de nombreuses entreprises d’imprimer leurs factures sur papier, de les mettre dans des enveloppes et de les envoyer par la poste. Bien que certaines le fassent encore aujourd’hui, beaucoup ont évolué vers l’envoi de fichiers PDF par e-mail. Certes, cela implique une transmission électronique, et c’est numérique, mais il ne s’agit pas d’e-facturation à proprement parler. Un PDF est une version électronique d’une facture papier, conçue pour être lue par des humains. Alors qu’une e-facture est un fichier structuré que seules les machines peuvent lire. Le format lisible par machine est une caractéristique essentielle de la facture électronique. »
Où et comment l’e-facturation devient obligatoire
Le fait que l’e-facture devienne peu à peu obligatoire à travers l’UE explique en partie pourquoi ce sujet fait la une de l’actualité.
Jurgen explique que, après une première vague de réglementations applicables aux transactions B2G, l’e-facture B2B obligatoire est maintenant introduite pays par pays, avec 2026 en ligne de mire pour la plupart des pays.
Isabelle développe ensuite où et comment la facturation électronique B2B a été, ou est en train d’être, mise en place en tant que directive légale dans l’UE.
« Le premier pays de l’UE à rendre la facture électronique obligatoire a été l’Italie, dès 2019. En Italie, les fournisseurs envoient leurs factures électroniques aux autorités fiscales italiennes, qui enregistrent les détails dans leur système avant de transmettre les factures aux clients concernés. C’est un processus entièrement contrôlé, avec des e-factures conformes à un format spécifique à l’Italie. »
« La Pologne était supposée être opérationnelle cette année, mais son échéance en matière d’e-facturation a été reporté à février 2026. Comme l’Italie, la Pologne dispose de son propre format et exige que les factures électroniques soient envoyées via les autorités fiscales. Cependant, au lieu de transmettre les e-factures directement aux clients, les autorités polonaises les mettent simplement à disposition sur leur propre portail web pour que les clients concernés puissent les récupérer. »
« L’e-facturation devait devenir obligatoire en France plus tôt cette année, mais elle a également été reportée. La situation française est compliquée dans le sens où il coexiste deux systèmes différents. L’un est similaire à l’approche polonaise et italienne, où les e-factures sont envoyées via les autorités fiscales. L’autre permet aux fournisseurs d’envoyer des e-factures directement aux clients qui, à leur tour, sont obligés de déclarer les données aux autorités fiscales. »
« L’Allemagne est également, en principe, sur les rails pour rendre obligatoire la réception des e-factures à partir de 2025, mais relativement peu de détails sont connus à ce stade. Concernant l’émission des e-factures, ce sera 2027. L’approche allemande n’implique aucun data reporting aux autorités fiscales à aucun stade du processus d’e-facturation. L’Allemagne ne prévoit pas non plus de prescrire des réseaux spécifiques par lesquels les factures électroniques doivent être livrées. »
« La Belgique vise janvier 2026 pour l’e-facturation obligatoire, suivant l’approche allemande dans la mesure où le reporting aux autorités fiscales ne sera pas inclus. Cependant, la Belgique spécifiera comment les factures électroniques doivent être formatées (bien que les partenaires commerciaux puissent opter pour un autre format entre eux), ainsi que l’exigence de transiger toutes les e-factures via le réseau de livraison électronique Peppol. »
Cependant, lorsque la proposition législative européenne ViDA entrera en vigueur, l’e-reporting deviendra une obligation au sein de chaque pays de l’UE pour les transactions intracommunautaires.
Isabelle, qui était l’une des autrices d’une étude sous-jacente sur laquelle la proposition législative ViDA a été rédigée, explique : « La proposition est en fait un point de départ pour que l’e-facturation devienne obligatoire pour les livraisons intercommunautaires – transactions entre parties issues de différents États membres – et pour l’e-reporting des données de facturation aux autorités fiscales des deux parties dans ce contexte. »
« Ainsi, l’e-reporting aux autorités fiscales sera intégré dans chaque pays, au moins dans le cadre des transactions transfrontalières, même si leurs obligations individuelles ne l’exigent pas. »
L’obligation de l’e-facturation est une victoire sur toute la ligne
Jurgen décrit la logique derrière l’obligation de l’e-facturation.
« Pour les autorités, la facturation électronique est une opportunité d’augmenter les recettes fiscales en éliminant la fraude à la TVA et en comblant ce qu’on appelle l’écart de TVA. Pour vous donner une idée de l’ampleur des pertes actuelles, en Belgique seulement, on parle de 3,5 milliards d’euros par an. »
« Mais les autorités ne sont pas les seuls gagnants dans cette histoire. L’e-facturation permettra aux entreprises de réaliser énormément d’économies en termes d’argent et de temps, car elle permet de rendre le traitement des factures beaucoup plus détaillé et efficace. Chaque facture ‘papier’ convertie en facture électronique permet d’économiser 3,50 €. Cela peut représenter une somme énorme pour une entreprise. Et pour le pays dans son ensemble. »
« À court terme, les entreprises devront investir dans des solutions techniques. Mais à moyen et long terme, les autorités pourront collecter les impôts de manière plus efficace et efficiente, tandis que les entreprises passeront moins de temps et donc d’argent à traiter leurs factures sortantes et entrantes. Les factures ne se perdront plus dans la pile de courrier. Les transactions et le traitement directs de machine à machine réduiront la fraude à la facture tout en entraînant des cycles de paiement plus rapides et plus courts, ainsi qu’une charge administrative réduite, en particulier du côté des comptes fournisseurs. »
Isabelle conteste toutefois la notion universelle de gains pour les autorités, soulignant que les écarts fiscaux ne seront comblés que lorsque l’e-reporting aux autorités fiscales sera intégré. Ce que n’incluent pas les propositions belge et allemande d’obligation de l’e-facturation. Leurs autorités fiscales ne gagnent aucune visibilité, il est donc difficile de voir comment l’e-facturation obligatoire pourrait augmenter les recettes fiscales dans ces deux pays. En ce qui concerne particulièrement la Belgique, elle note également que l’e-reporting obligatoire aux autorités fiscales bénéficierait aussi aux entreprises, car elles n’auraient plus à déposer de listes de clients chaque année en janvier. »
« L’Espagne a également une proposition intéressante sur la table, qui imposerait des délais de paiement plus courts aux petites et moyennes entreprises. Les mauvais payeurs sont un véritable handicap pour les petites entreprises. S’attaquer à ça ainsi qu’à la question de la fraude à l’identité, qui est un autre avantage de l’e-facturation, pourra être très utile tant pour les entreprises que pour l’économie. »
Le rôle des éditeurs de logiciels dans la promotion de l’e-facturation
L’e-facturation apporte la capacité, et la nécessité, d’automatiser l’émission, la réception et le traitement des factures. La nature structurée des e-factures, qui les rend illisibles pour les humains, signifie qu’il faut des entreprises éditrices de logiciels pour configurer les logiciels d’entreprise afin de gérer tout cela, ainsi que pour faciliter la connectivité avec les réseaux de livraison électronique.
Isabelle : « Les e-factures contiennent l’ensemble des détails nécessaires pour être pré-traitées du côté du destinataire et être intégrées directement dans les solutions comptables. Le reste peut ensuite être initié d’un simple clic. Il existe déjà des outils disponibles qui le permettent. Mais dès qu’une règlementation d’e-facturation entre en vigueur dans un pays, les choses changent. Dans de nombreux pays, chaque entreprise sera tenue d’émettre ses e-factures dans le même format et de les échanger via un réseau sécurisé. En Belgique, à l’exception des entreprises ayant des accords spécifiques entre elles dans l’ancien cadre EDI. Ainsi, qu’une facture provienne d’un traiteur local ou d’un fournisseur d’un autre pays de l’UE, les entreprises pourront les traiter chacune de la même manière. Ce sera un énorme avantage commercial, et les entreprises éditrices de logiciels seront celles qui rendront cela possible. »
La plupart des réglementations autour de l’e-facturation stipulent que ces factures électroniques doivent être envoyées via un réseau de livraison électronique approuvé. Ce qui oblige les entreprises concernées à s’inscrire à un réseau. Il y a un choix à effectuer parmi différents acteurs, mais, compte tenu de la trajectoire des diverses propositions de réglementations, un seul se démarque comme dénominateur commun pour l’avenir : Peppol.
Jurgen : « Peppol, une initiative de la Commission de l’UE, est très largement adopté à travers l’Europe. Ce réseau est sécurisé, standardisé, et capable de s’étendre de son état actuel de modèle à quatre coins pour incorporer un cinquième coin, qui peut être utilisé pour le e-reporting aux autorités fiscales. »
« Utiliser Peppol, c’est un peu comme utiliser un réseau télécom. Même si l’autre partie avec laquelle vous communiquez est chez un autre fournisseur de réseau, vous pouvez toujours vous connecter et personne n’a à se soucier des détails techniques qui se cachent derrière ça. Dans le cas des télécoms, chaque utilisateur a un numéro de téléphone unique. Avec Peppol, chaque partie est identifiée par son propre numéro d’entreprise, et ces numéros d’entreprise ont chacun leur propre point d’accès. Lorsqu’une partie envoie une e-facture, le point d’accès de l’émetteur vérifie si le numéro d’entreprise du destinataire est joignable via le réseau et, si c’est le cas, délivre la facture électronique. »
Se connecter à Peppol via un point d’accès est une autre mission pour les éditeurs de logiciels, et cela peut se faire de plusieurs manières.
Jurgen : « Comparé à une intégration sur mesure ou via des configurations EDI classiques, comme cela se faisait couramment par le passé, la mise en œuvre d’une API prête à l’emploi permet de gagner beaucoup de temps et d’argent. Cette solution rend également la maintenance beaucoup plus simple, tout en restant conforme aux législations en constante évolution, car ces responsabilités incombent au fournisseur de l’API. Je dirais que l’utilisation d’une API prête à l’emploi pour se connecter à Peppol est le meilleur pari des éditeurs de logiciels qui veulent se faciliter la vie et générer des profits. »
Se préparer pour l’avenir, alors que les standards communs ne sont pas encore établis
Interrogée sur la manière d’éviter les écueils courants rencontrés par les éditeurs de logiciels, Isabelle a indiqué que le manque de clarté concernant les exigences futures en matière de format constituait un défi majeur.
« La plus grande recommandation que je puisse donner aux fournisseurs de logiciels est de s’assurer qu’ils couvrent chaque type de contenu ou de données possible. Observez ce que l’ensemble des gouvernements en jeu demandent, en termes de champs obligatoires et optionnels, et configurez votre formatage pour qu’il soit possible de tout prendre en compte. On peut facilement supprimer ou ignorer certains types de données à une date future, mais il est beaucoup plus difficile d’en ajouter. En prévoyant toutes les éventualités dans votre cahier des charges, votre logiciel sera prêt pour l’avenir, quelle que soit la norme nationale ou commune qui émerge. Et vous pourrez d’ailleurs commencer à développer alors même que les autorités prennent encore leurs décisions. »
« Ensuite, bien sûr, vous devez vous assurer que la méthode de connexion que vous utilisez dans votre réseau de livraison électronique, par exemple une API prête à l’emploi, peut également gérer tous ces types de données. Et je dis bien ‘tous’. 80% ne suffit pas. Seule une capacité à 100% garantira la conformité à vos utilisateurs. Si nous prenons la Belgique comme exemple, le format qui sera requis n’a pas encore été annoncé, mais vous pouvez déjà prendre UBL 2.1 et Peppol BIS comme points de départ, même si la liste s’allonge. »
« Étant donné que la Belgique devrait introduire son obligation courant janvier 2026, il est judicieux de commencer dès maintenant, car cette date n’est pas éloignée pour que tout soit prêt, testé et que les utilisateurs soient correctement formés. »
Les réglementations à venir permettront-elles plusieurs formats ?
En réponse à une question émanant du public, Isabelle évoque la possibilité que les réglementations à venir permettent plusieurs formats.
« A minima, il y aura un choix entre UBL et CI, mais il y aura d’autres possibilités. Personnellement, je pense qu’UBL sera très proéminent, et qu’il incombera ensuite aux fournisseurs de logiciels ou de services de le convertir. Je ne pense pas qu’il y aura une multitude de formats à convertir. En Belgique, par exemple, ce sera quelque chose d’un peu différent de ubl.be, mais pas tant que ça. Donc, si vous opérez en Belgique, je dirais commencez par ces deux-là et vous serez sur la bonne voie. »
Jurgen ajoute : « Je pense que si vous optez pour Peppol BIS 3.0, comme l’a mentionné Isabelle, vous serez également sur la bonne voie pour toute l’Europe. »
Une entreprise utilisant plusieurs logiciels de facturation peut-elle fonctionner via différents points d’accès Peppol ?
Jurgen : « Tout dépend de la manière dont le point d’accès traite l’entreprise ou la société. Par exemple, chez Codabox-Isabel Group, nous n’abonnons pas les émetteurs au réseau Peppol. Mais il y a certains points d’accès en Belgique qui le font, et cela peut générer un conflit car chaque entreprise ne peut être abonnée qu’une seule fois. Je vois ce problème se poser principalement du côté de la réception, car tous les points d’accès récepteurs abonnent les entreprises en tant que récepteur au sein du réseau Peppol, ce qui les verrouille. À l’avenir, il y aura une interopérabilité entre les réseaux, ce qui permettra aux entreprises de faire un choix. »
« Du côté de l’émission, il y a un conflit en ce qui concerne la réponse des messages. Comme chaque entreprise ne peut être abonnée qu’une seule fois, tous les feedbacks vont maintenant au numéro d’entreprise unique enregistré. À l’avenir, il a été convenu au niveau européen que ces feedbacks ne seront dorénavant pas renvoyés au niveau de l’entreprise, mais au niveau du point d’accès. Ainsi, le point d’accès pourra fournir des retours MLR à plusieurs logiciels. Le point d’accès sera considéré comme le distributeur de factures, mais il pourra s’appliquer à plusieurs emplacements. »
« L’interopérabilité entre les points d’accès est un sujet majeur discuté au niveau européen. Actuellement, c’est un processus manuel, les entreprises devant déclarer qu’elles ne veulent pas être abonnées à un point d’accès en particulier, mais à un autre de leur choix. Mais dans les années à venir, cela sera automatisé. Plus la facturation électronique deviendra courante, plus elle devra être interopérable. »
Opportunités directes et à venir pour les entreprises éditrices de logiciels
Le webinaire s’est terminé par une question sur l’évolution du rôle des éditeurs de logiciels dans la facture électronique, en particulier à la lumière des technologies émergentes comme l’IA et la blockchain.
Jurgen : « Je vois les éditeurs de logiciels continuer à jouer un rôle dans l’amélioration de l’automatisation du traitement des documents, avec l’IA ou la blockchain ajoutant de la valeur supplémentaire. Par exemple, au sein d’Isabel Group, notre solution de pré-comptabilité Clearfacts a une fonctionnalité de ‘niveau de confiance’ (confidence levels) qui peut renseigner les utilisateurs à propos du degré de fiabilité de l’écriture comptable automatisée attendue. Lorsqu’un utilisateur voit un résultat avec un niveau de confiance supérieur à 80 %, il sait qu’il n’a pas besoin de vérifier les résultats. Je prévois une évolution dans cette direction car il y a beaucoup de données à suivre, et il est temps de faire quelque chose à ce sujet. »
Isabelle ajoute : « L’obligation de l’e-facturation ouvre la voie à tout cela, car si vous n’avez pas vos données structurées dans un format lisible par machine, vous ne pouvez rien faire avec l’IA ou la blockchain. Pour les petites entreprises, cela peut sembler effrayant en termes de coûts et de nécessité de changer les processus existants. Mais je pense que, pour l’avenir, cette législation est plutôt à saluer. »
Jurgen poursuit : « Environ 50 % de la facturation des petites entreprises se fait dans Excel et sur papier, donc elles devront choisir le bon logiciel ou ERP. C’est quelque chose que les éditeurs de logiciels doivent prendre en compte dès maintenant, dans l’année à venir. C’est pourquoi il est important de commencer à travailler dessus, de sensibiliser et fournir des solutions abordables. »
En résumé
L’obligation imminente de la facturation électronique à travers l’UE offre aux entreprises éditrices de logiciels l’opportunité de briller en fournissant des solutions pour les entreprises de toutes tailles. Malgré un manque actuel de cohérence et de clarté concernant les formats et les délais de mise en œuvre, certains agendas devraient être serrés. Adopter les formats que nos deux experts ont identifiés comme les plus susceptibles de prévaloir simplifiera ce défi et permettra aux éditeurs de logiciels de progresser, tout en maximisant les profits éventuels grâce à la réduction des investissements dans des développements inutiles.
Regardez la session complète
Accédez à notre rediffusion pour revivre les idées clés de nos experts sur la façon de naviguer dans la législation sur la facturation électronique et de maximiser l’efficacité de l’intégration.